L’évolution du kératocône est très variable selon les individus.
Classiquement, la maladie débute à la puberté. On assiste le plus souvent à une progression lente de l’astigmatisme mais celle-ci ne se fait pas de façon uniforme. Le kératocône peut rester stationnaire, évoluer rapidement sur trois à cinq ans et s’arrêter ou au contraire, progresser régulièrement pendant une longue période, de 10 à 30 ans en moyenne.
Le kératocône est le plus souvent bilatéral mais le délai d’apparition entre les deux yeux est très variable et peut s’étendre à plusieurs années. Il arrive donc souvent (environ 15% des cas) que le kératocône ne soit diagnostiqué que d’un seul côté. Sur une période d’observation de 16 ans, environ 15% de ces kératocônes unilatéraux s’étaient bilatéralisés.
Rarement le kératocône peut évoluer de façon brutale vers le kératocône aigu (2% des cas).
Une des principales causes de greffe de la cornée
Le kératocône est une affection fréquente, bénigne dans la grande majorité des cas.
Environ 2000 patients sur 600000 porteurs probables de l’affection doivent avoir une greffe de cornée en France chaque année. Le kératocône est l’une des 3 principales causes de greffe de la cornée en France, en Europe et aux Etats-Unis (entre 20 et 40% des greffes de cornée). 92% des cas débutant avant 18 ans sont évolutifs et peuvent conduire à la nécessité de pratiquer une greffe de la cornée au cours de la vie. La probabilité d’avoir à subir une greffe de cornée en cas de kératocône peu évolué diagnostiqué à l’âge adulte est extrêmement faible.
Une maladie rarement invalidante et exceptionnellement responsable de cécité
Une étude de l’armée américaine a montré, lorsque la maladie était diagnostiquée après 18 ans, un très faible risque d’induire un handicap visuel de nature à affecter le déroulement des activités professionnelles chez les pilotes de chasse.
L’évolution rapide et invalidante du kératocône est plus fréquente si :
- le début est précoce (avant la fin de la puberté) – il existe une forte asymétrie entre les deux yeux – l’évolution est initialement rapide
- il existe un facteur allergique
- il existe un facteur micro-traumatique (frottement oculaire)
Le kératocône ne peut, en principe, aboutir spontanément à la perforation de la cornée et n’est pas considéré comme une affection comportant un risque classique de cécité.
Cependant, les complications potentielles de son évolution peuvent aboutir dans des circonstances exceptionnelles à une perte significative de la vision.
On peut en particulier citer parmi ces complications évolutives graves :
- l’infection sévère de la cornée sous lentille de contact
- le décollement de rétine (comme chez tous les myopes),
- les complications opératoires ou postopératoires sévères de la greffe de cornée – les conséquences d’une contusion oculaire sévère sur greffe de cornée
- les conséquences d’un glaucome méconnu (dans le kératocône, la résistance mécanique de la cornée est moindre, ce qui peut fausser la mesure de la pression intraoculaire et le dépistage du glaucome)
La prise en charge du kératocône doit être confiée à des praticiens très spécialisés et compétents.
Classification des stades évolutifs :
La classification clinique d’Amsler, classique mais obsolète, est abandonnée
- Kératocône du premier degré : astigmatisme oblique avec une asymétrie perceptible au kératomètre
- Kératocône du second degré : l’astigmatisme est plus marqué, l’asymétrie est plus manifeste, amincissement de la cornée qui est restée transparente,
- Kératocône du troisième degré : toute mesure au Javal, même approximative, est impossible et l’amincissement cornéen est marqué,
- Kératocône du quatrième degré : il comporte en plus des signes précédents la présence d’opacités cornéennes linéaires.
La classification thérapeutique est la plus importante pour les patients
- Stade infraclinique : Le kératocône est une découverte d’examen topographique sans traduction clinique autre qu’une myopie avec astigmatisme éventuel
- Stade sphéro-cylindrique : La meilleure acuité visuelle (10/10 sauf problème associé) peut être obtenue par une simple correction en lunettes ou en lentilles souples hydrophiles
- Stade contactologique : La meilleure acuité visuelle ne peut être obtenue que par l’adaptation de lentilles flexibles (rigides perméables au gaz), de lentilles dures ou de lentilles scléro-cornéennes.
- Stade chirurgical : La meilleure acuité visuelle ne peut être obtenue que par la réalisation d’un acte chirurgical (photoablation thérapeutique au laser excimer, anneau intracornéen, crosslinking, greffe de cornée lamellaire ou perforante)
Notre classification personnelle, plus précise, intègre les principaux paramètres cliniques et paraclinique modernes.
Kératocône suspect
- grade 00 : antécédents familiaux, évolution réfractive après la fin de la croissance
- grade 0a : détecté par la carte pachymétrique de l’épithélium cornéen en OCT spectral
- grade 0b : détecté par l’aberrométrie (coma et aberration sphérique)
- grade 1 : détecté par l’hystérèse mécanique cornéenne
- grade 2 : détecté par la topographie de la face postérieure de la cornée et des indices quantitatifs complexes
- grade 3 : détecté par la topographie de la face antérieure de la cornée et des indices quantitatifs complexes
Kératocône stade 0 - détecté par la topographie de la cornée, et des indices quantitatifs simples (rapport I/S, apex > 46 Dioptries, différence OD-OG > 2 Dioptries) – myopie minime ou absente, absence d’astigmatisme irrégulier significatif, meilleure acuité normale en lunettes
Kératocône stade 1 - astigmatisme oblique avec une asymétrie perceptible au kératomètre, , kératométrie < 48 dioptries, myopie < – 5 dioptries.
Kératocône stade 2 - astigmatisme plus marqué, asymétrie > – 5 dioptries, amincissement biomicroscopique de la cornée qui reste transparente,
- pachymétrie > 400 μ, apex cornéen < 53 dioptries, myopie < – 5 dioptries,
Kératocône stade 3 - mesure kératométrique très difficile, pachymétrie < 400 μ, apex cornéen > 53 dioptries, myopie > – 8 dioptries,
Kératocône stade 4 - signes précédents, opacités cornéennes sous épithéliales (nodule apical), apex cornéen > 58 dioptries.
Kératocône stade 5 - Kératocône aigu, rupture de la membrane de Descemet, œdème cornéen focal, Kératocône aigu cicatriciel, Cicatrices stromales profondes
Les maladies de la cornée à ne pas confondre avec le kératocône
La déformation cornéenne induite par les lentilles de contact
Le Corneal Warpage (déformation induite par les lentilles de contact) est la conséquence de la contrainte mécanique exercée sur la cornée par une lentille de contact rigide, flexible ou plus rarement souple hydrophile. Cette contrainte induit une déformation caractéristique par la présence d’un aplatissement central séparant deux zones de bombement cornéen excessif.
Cette déformation régresse après l’arrêt du port de la lentille de contact. Cette régression survient parfois après plus de 6 mois ! Il est important de ne pas porter prématurément le diagnostic de kératocône chez les porteurs de lentilles de contact. L’examen de la topographie cornéenne ne peut être interprété qu’après un arrêt du port de lentille de
- 4 à 8 jours pour les lentilles souples
- 8 à 15 jours pour les lentilles flexibles ou rigides
Parfois le warpage cornéen révèle un authentique kératocône infraclinique.
Le Kératocône postérieur
Le « kératocône » postérieur, exceptionnel, n’est pas un kératocône. Il se présente comme une augmentation de courbure de la face postérieure de la cornée avec amincissement tandis que la surface antérieure est normale. Il s’agit en général d’une affection congénitale unilatérale bien que des cas bilatéraux ou post-traumatiques aient été décrits. Le kératocône postérieur est très souvent associé à d’autres anomalies oculaires touchant notamment le segment antérieur. Cette affection est en règle générale considérée comme une variante d’anomalie de clivage de la chambre antérieure.
La Maladie de Terrien
Il s’agit d’une dégénérescence d’origine inconnue accompagnée d’un amincissement non inflammatoire de la cornée périphérique. Cet amincissement présente quelques caractéristiques classiques
– Dépôts lipidiques le long de la berge centrale de l’amincissement
– Vascularisation minime du lit de l’amincissement
– Ectasie de la berge centrale qui peut donner une image topographique pseudokératocônique
L’évolution à long terme peut aboutir à une rupture (exceptionnelle et souvent post-traumatique).